Maintenant que nous sommes enfin arrivés au bout de cette vaste partie sur la formation d’une phrase en japonais, nous allons enfin pouvoir nous attaquer à une toute nouvelle partie : la culture et la politesse japonaise. Alors, certes, nous avons vu beaucoup de choses sur la culture japonaise mais dans cette partie, j’entends décortiquer avec vous un ensemble de petites choses propres à la langue japonaise et qui n’existent pas ou qui sont différents en français.
Dès à présent, tout ce que nous allons voir dans cette nouvelle partie a pour but de vous amener à parler un japonais courant, le japonais de la vie de tous les jours. Tous les cours à venir seront plus sympathiques et plus faciles à digérer mais n’en reste pas moins très important.
Continuez à avancer à votre rythme !
Pour commencer, il faut d’abord parler un peu de la langue japonaise. Comment la langue japonaise est-elle parlée ? Qu’est-ce qui la caractérise ? Il est important de savoir que la langue japonaise aime tout particulièrement aller à l’essentiel. Les japonais aiment faire des phrases très simples, dans la mesure du possible ils préféreront toujours dire les choses de la manière la plus simple possible et pour ce faire, ils mettront le moins de mots possibles dans leurs phrases. C’est quelque chose qu’on retrouve notamment dans la poésie japonaise, dans les haiku. Pour ceux et celles qui ne savent pas de quoi il s’agit, ce sont des tout petits poèmes japonais où l’on aime saisir l’essence des choses de la nature par exemple en mettant le moins de syllabes possible, en essayant d’être le plus délicat possible.
Et la délicatesse est quelque chose de très... spécifique (c’est le mot !) à la langue japonaise. En français, c’est pratiquement l’inverse. Du fait d’une structure grammaticale extrêmement permissive qui permet de faire des phrases très longues, nous mettons plein de mots pour montrer notre maîtrise de la langue française. C’est plutôt amusant de voir à quel point elle est l’inverse du japonais sur ce point.
Vous savez, la langue japonaise n’est pas aussi difficile que beaucoup de gens le croit. Comme je l’ai souvent dit, tant que vous avez une bonne méthode d’apprentissage, une pratique très régulière et de la discipline, vous y arriverez. La construction de phrases en japonais n’a rien de bien compliqué une fois que vous maîtrisez parfaitement vos particules, que vous connaissez sur le bout des doigts les fonctions grammaticales de chacune d’elles. Le japonais est une langue qui a évolué pour permettre de dire beaucoup de choses en peu de mots. Moi-même d’ailleurs, un fois les particules bien maîtrisées, la principale difficulté restait la mémorisation des kanji. À l’époque, quand je lisais des mangas, je butais sur des kanji parce que je ne les connaissais pas (et j’avoue que cela m’arrive encore !). Comme quoi, si le français dispose d’un système d’écriture simple et permet de faire de longues phrases, le japonais est basé sur cinq systèmes d’écriture mais permet de dire beaucoup en peu de mots.
Ainsi, les japonais ont tendance à supprimer tout le superflu dans leurs phrases. Si une information peut être sous-entendue par le contexte et qu’il n’est donc pas nécessaire de mentionner cette information, nous n’allons pas la dire. Je vous avais également expliqué qu’en japonais, nous pouvons omettre des particules grammaticales quand elles sont sous-entendues mais ici, je vous parle carrément de compléments. Nous allons pouvoir omettre en japonais des compléments dans nos phrases. Je vous donne de suite quelques exemples en français que nous allons ensuite comparer avec leurs équivalents en japonais.
Vous allez mieux comprendre.
Bon, je vais commencer par vous donner la phrase suivante :
Ce bâtiment est une animalerie.
En japonais :
あの建物はペットショップだ。
あのたてものペットショップだ。
Bon, imaginons rapidement un contexte très simple. Je suis avec mon pote, nous sommes en train la devanture d’une animalerie, nous savons déjà de quoi nous parlons. Et si je sais déjà de quoi je parle, je peux simplement dire :
C’est une animalerie.
Ainsi, grâce au contexte, nous savons déjà de quoi nous parlons, il n’y a pas d’ambiguïté. Nous utilisons le « C’ ». En japonais, je peux exactement de la même manière sous-entendre ce dont nous parlons si c’est déjà indiqué par le contexte. Et ainsi, en japonais je vais carrément omettre mon thème, ça va nous donner :
ペットショップだ。
Alors ça, c’est quelque chose que nous savons déjà faire, c’est ce que nous avons fait au tout début des cours. En japonais :
C’est une animalerie.
ペットショップだ。
Je vous donne maintenant un autre exemple, si je veux dire :
C’est moi qui mange le croque-monsieur.
私がクロックムッシュを食べる。
わたしがクロックムッシュをたべる。
Bon si, en français, je veux sous-entendre le croque-monsieur en disant :
C’est moi qui le mange.
J’utilise encore une fois le pronom « le ». En japonais, je peux faire la même chose et, encore une fois, si je veux sous-entendre クロックムッシュを, je vais l’omettre de ma phrase et ça va donner simplement :
私が食べる。
わたしがたべる。
Et donc ici, vu que nous avons le contexte, vu que nous savons déjà qu’on est en train de manger le croque-monsieur, et bien je l’enlève carrément de la phrase, je n’ai pas besoin de le dire.
Voilà ! Pour pouvoir enlever comme ça des compléments dans nos phrases japonaises, et c’est quelque chose qui se fait énormément en japonais, nous avons bien sûr besoin d’un contexte. Premier cas, nous étions face à la devanture d’une animalerie donc forcément nous parlons de l’animalerie. Dans le second cas, nous supposons que le croque-monsieur est clairement dans le contexte de la présentation et donc, encore une fois, nous savons de quoi nous parlons.
Cela va être extrêmement fréquent d’omettre dans une phrase tous les compléments qui sont sous-entendus par le contexte pour faire les phrases les plus simples possibles. C’est quelque chose qui va énormément se faire en japonais, et ça va d’autant plus être le cas lorsque nous allons répondre à des questions. Lorsqu’une question est posée, nous avons déjà les éléments, donc il n’est pas nécessaire de les répéter dans la réponse.
Je reviens rapidement sur le premier exemple :
ペットショップだ。
En japonais, il va être extrêmement fréquent de sous-entendre le thème quand nous savons déjà de quoi nous sommes en train de parler. Je vous avais déjà dit que nous n’allions pas répéter un thème qui était le même dans plusieurs phrases. Nous n’allions pas le répéter dans les phrases suivantes mais ici, dès la première phrase, si nous savons déjà de quoi nous allons parler, de quoi nous sommes en train de parler, si c’est induit par le contexte, nous n’allons pas le dire car cela ne sera pas nécessaire.
Ensuite, en japonais, nous allons même sous-entendre des choses qui ne sont pas forcément expliquées par le contexte mais que l’on comprend quand même. Observez l’exemple ci-dessous :
男だ。
おとこだ。
C’est un homme.
Ici, si nous n’avons aucun contexte particulier qui indique de quoi je suis en train de parler alors ça veut dire que nous sommes forcément en train de parler de soi même 私 . わたし, et donc « je suis un homme ». Une phrase sans contexte et sans thème se rapporte forcément à 私 . わたし, c’est par exemple le genre de phrase que nous allons utiliser dans un contexte de présentation. On se présente puis on dit :
Je suis un homme.
Un autre exemple, si je dis :
女なの?
おんななの?
Donc ici vous voyez, c’est une question, nous nous adressons donc à un interlocuteur. Si nous n’avons aucun contexte particulier qui indique quel est le thème de la phrase alors c’est forcément l’interlocuteur. Si nous reprenons l’exemple ci-dessus, ce sera forcément あなた :
あなたは女なの?
あなたはおんななの?
Est-ce que tu es une femme ?
Quand nous nous adressons à une personne, que nous lui posons une question, nous comprenons que c’est en ce qui la concerne, elle, que nous aimerions avoir des éléments de réponse. C’est comme ça que le あなた est sous-entendu. Donc dans des phrases comme ça, nous n’avons pas forcément besoin de préciser 私は . わたしは puisque par élimination ça ne peut être que ça. Comprenez bien que les japonais vont souvent vouloir faire des phrases les plus simples et les plus courtes possibles à tel point qu’ils vont même omettre ce qui n’est pas forcément contextualisé mais ce qui est compréhensible par contextualisation. Et là vous vous dîtes : « Oh punaise, c’est compliqué ! ». Non, ne vous inquiétez pas, c’est vrai que tout cela paraît compliqué au premier abord. J’essaye en tout cas de vous expliquer tout cela de la manière la plus simple possible. La seule solution est de trouver des japonais avec qui pratiquer pour bien vous rendre compte de cette caractéristique typique de la langue japonaise et avec le temps vous vous y habituerez. Un dernier exemple. Quand je dis : フランス人だ . フランスジンだ sans contexte, nous traduirons par « Je suis (un) français ». Maintenant, vous avez compris que 私は . わたしは qui est le thème de ma phrase est ce qui est sous-entendu.
Observez maintenant cette phrase :
毎朝日本茶を飲む。
まいあさにほんちゃをのむ。
Sans contexte, c’est forcément « Je bois du lait tous les matins ». Encore une fois et comme très souvent 私 . わたし est sous-entendu quand, par élimination, ça ne peut être que ça, le thème de ma phrase. Alors attention, je reprends l’exemple que nous avons vu un peu plus haut :
私が食べる。
わたしがたべる。
Ici, ça va être compliqué de sous-entendre le 私 . わたし parce que le が apporte une nuance, le が apporte la nuance que « c’est moi qui » sur le 私 . わたし donc ici, sous-entendre le sujet du verbe, c’est aussi sous-entendre la nuance, donc ça va être plus difficile de le faire quoique, encore une fois si le contexte indique que on est en train de décider qui va manger le croque-monsieur, alors simplement dire 食べる . たべる pourrait également sous-entendre le 私が . わたしが.
Les japonais peuvent toujours aller encore plus loin dans le sous-entendu de choses contextualisées. Donc voilà ce serait également possible mais bon, de base ici, ce serait quand même plus 私が食べる . わたしがたべる.
Donc voilà, je sais que c’est déstabilisant tous ces thèmes, tous ces compléments sous-entendus. Parfois on se retrouve en japonais avec des phrases où nous avons uniquement un verbe. Par exemple, si je vous dis :
行くぞ。
いくぞ。
Ici, nous avons le verbe « aller » avec la particule de fin de phrase ぞ pour l’accentuation ; en français nous allons traduire ça par « j’y vais ! ». En fait nous n’avons pas de 私 . わたし parce que le 私 . わたし est sous-entendu donc ça se rapporte forcément à moi et puis donc, vous voyez en français, l’endroit où je vais est sous-entendu par le « y » et donc en japonais, nous n’allons pas le dire. La phrase de base complète serait :
私はあそこに行くぞ。
わたしはあそこにいくぞ。
Je vais là-bas !
Mais dans ce cas, nous sous-entendons donc le あそこ. Nous avons uniquement le verbe avec la particule de fin de phrase. Alors, qu’allons-nous faire ? Nous allons bien sûr avoir besoin du contexte dans lequel sont dites ces phrases pour pouvoir traduire correctement. Ainsi, il nous manque plein d’éléments pour être capable de bien interpréter, de correctement traduire en français où là, nous avons besoin de mettre tous les mots. Ce sera d’autant plus le cas à l’écrit quand nous n’avons pas forcément le contexte dans lequel sont dictées les phrases. Là, si nous ne savons pas, nous ne pouvons pas deviner donc c’est en ça que ça va être aussi parfois un petit peu compliqué. Mais je vous rassure, une fois qu’on s’y habitue, ça se passe très bien.
Ainsi, les japonais font des phrases aussi courtes que possible à l’inverse du français. En français, nous avons l’habitude d’être très précis, nous préférons avoir le moins d’approximations possibles dans notre phrase en étant extrêmement précis sur ce que l’on est en train d’énoncer. Nous n’aimons pas répéter plusieurs fois le même mot dans une phrase, dans un paragraphe ou des phrases qui se suivent. Mais je vous rassure tout de suite. En japonais, quand on veut lever une ambiguïté qui pourrait être liée au contexte, cela ne les dérangera pas de dire clairement le mot ou même de répéter plusieurs fois le même mot dans une phrase ou dans plusieurs phrases qui se suivent. Quand il s’agit d’être extrêmement précis sur un mot en question, ils vont le répéter plusieurs fois dans une phrase ou dans des phrases qui se suivent. Cela ne les dérangera absolument pas.
Maintenant que tout cela a bien été expliqué, nous allons comparer l’ordre des compléments dans des phrases françaises et japonaises. Vous avez bien compris qu’en français et en japonais l’ordre des compléments est inversée. Vous avez déjà vu ça par rapport à la création des phrases en japonais. Si je vous dis :
Je mange un banana split et des cerises avec une cuillère devant la télévision du salon tous les matins.
En japonais, je vais sous-entendre le 私は . わたしは :
毎朝リビングルームのテレビの前でスプーンで桜ん坊とバナナスプリットを食べる。
まいあさリビングルームのテレビのまえでスプーンでさくらんぼとバナナスプリットをたべる。
Comme nous en avions déjà parlé au tout début de la saison deux, l’ordre des compléments dans une phrase japonaise est complètement inversé. Nous avons le verbe, puis le COD ; ensuite nous avons le moyen avec lequel on mange, nous avons le lieu dans lequel on mange et puis nous avons le complément de temps. Maintenant, j’aimerais que vous notiez quelque chose d’intéressant. Notez qu’en français, nous donnons d’abord l’élément le plus important de la phrase, le verbe et puis ensuite nous allons élargir en donnant des informations de moins en moins importantes alors qu’en japonais, c’est l’inverse. Nous donnons les informations les moins importantes, et plus nous allons nous rapprocher du verbe plus les informations vont devenir importantes. Et cela change beaucoup la manière de percevoir le discours en japonais par rapport à la langue française.
En français, quand nous parlons, quand nous formulons des phrases, nous allons d’abord donner les informations les plus importantes et puis, plus la phrase va être longue, plus nous allons dire des choses, moins ça va être important. Mais en japonais, le fait de commencer par les éléments les moins importants et, au fur et à mesure de donner les éléments les plus importants jusqu’à arriver au centre de la phrase, c’est-à-dire la clé de la phrase qui est le verbe, cela permet, une fois que nous avons le verbe, d’avoir tous les éléments en tête afin de pouvoir comprendre tout d’un coup.
Puisque nous en arrivons là, j’en profite pour faire un petit aparté. Il faut bien comprendre qu’une langue est le reflet du peuple qui la parle. Et elle en est le reflet à travers son vocabulaire, sa grammaire, son écriture... mais aussi, et c’est là où je veux en venir, dans la manière de construire ses phrases. Quand une personne parle dans sa langue natale, elle construit ses phrases reflétant ainsi de quelle façon ses idées s’organisent dans sa tête. Pour vous qui me lisez et qui êtes francophones, vous avez une façon propre à votre langue de construire vos phrases et donc d’organiser vos idées. Et lorsque vous apprenez une nouvelle langue avec un modèle de construction de phrases qui est totalement différent de ce à quoi vous êtes habitué, vous devez parvenir à restructurer la façon dont vous organisez vos idées pour mieux vous familiariser avec ce modèle de construction de phrases étranger. Quand vous parlez japonais, vous devez absolument bien vous mettre en tête comment se construit une phrase en japonais. Nous avons déjà vu énormément de choses dans la précédente grosse partie sur la construction de phrases en japonais mais comprenez bien que le seul moyen de vous améliorer, en plus de réviser vos leçons, de faire et refaire vos exercices, est de pratiquer en communiquant avec de vrais japonais. Nous en apprendrons beaucoup plus dans la troisième saison qui se concentrera davantage sur les verbes.
Le fait que l’ordre des compléments soit inversé du japonais par rapport au français, ça peut parfois poser des problèmes de traduction. Je reprends la même phrase :
Je mange un banana split avec une cuillère dans la salle à manger tous les matins.
Imaginons que quelqu’un me répond :
Tu manges un banana split ?
Donc en japonais je vais sous-entendre le あなたは :
バナナスプリットを食べるの?
バナナスプリットをたべるの?
Donc cette phrase-là, il n’y a pas de souci. Mais si jamais ma phrase, je veux la dire en étant interrompue, si jamais je ne veux dire que le début de ma phrase, en français ça va donner :
Tu manges des...
Je suis interrompu et en japonais ça va donner :
バナナスプリットを...?
Et je suis interrompu. Et là, si vous regardez mes deux phrases interrompues, vous remarquerez que nous n’avons pas du tout la même chose. Dans la phrase française, nous avons le verbe et dans la phrase japonaise nous avons uniquement le COD encore une fois hors contexte. Si nous avons juste par exemple « Tu manges... » dès qu’on doit le traduire en japonais et que nous n’en savons pas assez, nous ne pouvons rien faire. Nous avons besoin du contexte pour traduire correctement la phrase et pouvoir l’interrompre comme ça, correctement en japonais. Voilà quelque chose qui se retrouve énormément dans les mangas où, à chaque fois qu’on a des traductions, c’est souvent difficile pour le traducteur ou la traductrice quand il ou elle n’a pas le contexte. Cela donne souvent des traductions un peu bizarres, un peu curieuse car le traducteur ou la traductrice, faute d’avoir le contexte, n’a pas pu correctement retranscrire la phrase interrompue en japonais en français.
Vous savez déjà qu’en japonais la particule grammaticale donne sa fonction grammaticale au mot. C’est quelque chose qui va nous être utile lorsque nous allons vouloir donner un mot tout seul en précisant ce qu’il est dans le cadre d’une phrase, dans un discours. C’est quelque chose notamment dont nous allons nous servir lorsqu’il faudra créer des titres.
Par exemple si je dis 野兎 . のうさぎ, « le lièvre ». Bon, imaginons que je veux faire mon titre. En japonais, je peux préciser ce que le lièvre peut être dans le cadre d’une phrase en disant par exemple 野兎が . のうさぎが, donc en indiquant que le lièvre, dans une supposée phrase, serait sujet du verbe. Et ça, nous sommes incapables de le traduire en français, ça donnera toujours « le lièvre » ou si je veux sous-entendre que le lièvre ne sera pas le sujet d’une action mais plutôt COD d’une action, que le lièvre va plutôt subir les actions, dans ce cas, je vais mettre 野兎を . のうさぎを et encore une fois, cela nous donne « le lièvre » en français. Ainsi, en mettant comme ça des particules je peux, dans mon titre, donner une certaine nuance en indiquant que nous allons simplement parler d’un lièvre et nous allons parler pourquoi pas d’un lièvre qui va être sujet d’actions. Il peut s’agir de n’importe quelle action : peut-être qu’il va courir, sauter, danser, nous n’en savons rien mais il va faire des actions ou, plutôt avec la particule を, préciser que le lièvre est COD. Est-ce qu’il va être traqué, est-ce qu’il va être mangé, cuisiné avec des fèves, offert à des enfants qui en feront leur animal de compagnie... Comprenez bien, ce n’est pas simplement « le lièvre », c’est « le lièvre avec une nuance ». Donc le titre reste ouvert à interprétation. Nous ne savons pas forcément ce que fera ou subira le lièvre. Mais cette nuance nous permet de créer des titres orientés en japonais et ça, c’est très intéressant. Et c’est quelque chose que nous ne pouvons absolument pas faire en français.
Alors c’est quelque chose qu’on peut retrouver dans d’autres langues notamment les langues qui utilisent les cas, donc du coup le nominatif pour le sujet du verbe et l’accusatif pour le COD du verbe (tous ces noms en -if dont les professeurs de langues, les linguistes et les passionnés en linguistique adorent !). Personnellement, je n’ai jamais appris une langue occidentale utilisant les cas mais je vais m’efforcer de vous donner quelques exemples à titre de comparaison.
Par exemple en allemand on dirait Der Hase, pour le lièvre en tant que sujet du verbe ou Den Hase pour le lièvre en tant que COD du verbe. Mais en français, les cas n’existent pas. Alors pour ceux et celles qui ont déjà étudié des langues avec les cas comme l’allemand ou le latin, les particules grammaticales japonaises fonctionnent exactement de la même manière que les cas. C’est indiqué sur un mot en mettant après le mot quelle est sa fonction grammaticale dans la phrase donc son cas. C’est exactement la même chose. Bon, si je veux faire d’autre titre avec le lièvre je peux mettre bien sûr d’autres particules comme に, まで ou ヘ mais bon. Là, ce sont des choses qu’on peut traduire en français avec les mots « au lièvre », « jusqu’au lièvre », « vers le lièvre »... donc cela est possible mais quand on n’a pas de préposition comme c’est le cas du sujet du verbe ou du COD, on ne peut pas avoir la même nuance que celle qui peut être apportée en japonais.
Pour vous donner un autre exemple, la plupart d’entre vous connaisse peut-être le film d’animation japonais « Your name », en japonais 君の名は, alors ça veut dire la même chose, « Your name ». Vous remarquerez que dans le titre en japonais, nous avons la particule は. Ce n’est pas le COD, ce n’est pas le sujet, c’est le thème. C’est quelque chose dont on va parler et en fait, dans tout le film, il est question du nom des personnages, de l’un comme de l’autre des deux héros. Nous n’en savons pas plus mais ces petites particules nous permettent d’agrémenter en donnant des nuances dans nos titres, c’est quelque chose de très récurrent en japonais.
Cela dit, nous partons du principe que, bien entendu, les traducteurs et traductrices, lorsqu’ils traduisent le titre d’un film, d’une série, d’une chanson, ils ont vu le film ou la série en entier, dans sa version originale et l’ont traduit intégralement avant d’en arriver au titre. Le titre est parfois ce qui est traduit en dernier.
Prenons maintenant un autre exemple, une chanson japonaise à la base et qui a été traduite en anglais : 光 . ひかり de la saga de jeux vidéo Kingdom Heart et dont le titre fut traduit « Simple and Clean ». Alors, à votre avis, comment les choses se sont-elles passées ?
La chanson fut à l’origine en japonais et le mot 光 . ひかり est présent dans le refrain, cette dernière fut d’abord traduite en anglais. Et lorsqu’il s’agit de traduire une chanson du japonais vers l’anglais, il est nécessaire de conserver le sens global de la chanson tout en créant des rimes qui fonctionnent correctement avec la version instrumentale. En clair, tout cela nécessite pour le traducteur ou la traductrice une maîtrise parfaite de la langue d’origine mais aussi de la langue vers laquelle il ou elle traduit la chanson, et enfin une bonne dose d’imagination afin de créer des rimes qui fonctionnent tout en respectant le nombre de syllabes. La traduction de chanson peut nécessiter un travail en coopération avec des professionnels de la musique. Et voici comment 光 . ひかり est devenu « Simple and Clean ».
Vous vous souvenez que nous avons vu le kanji de 光 . ひかり dans la première saison (cela fait un bon moment déjà !) et vous savez que 光 . ひかり veut dire « la lumière », en anglais « the light ». Rien à voir donc avec « Simple and Clean », mais la traduction de la chanson reste excellente et le sens global des paroles (qui, grosso modo est une histoire d’amour avec diverses métaphores et plusieurs figures de style) a été respecté. Le titre de la chanson japonaise 光 . ひかり prend tout son sens si nous considérons toutes les paroles de la chanson dans leur ensemble et il en va de même pour la version anglaise, « Simple and Clean ». Comme quoi, n’oubliez jamais qu’une excellente traduction n’est JAMAIS une traduction au mot à mot.
Vous voulez d’autres exemples ? OK, alors nous continuons avec « Mon voisin Totoro ». En japonais, le titre est となりのトトロ. Le pronom personnel n’est pas présent, le titre aurait pu être traduit par « Ton voisin Totoro », « Son voisin Totoro », « Notre voisin Totoro »… mais les traducteurs ont opté pour « Mon voisin Totoro » afin de donner un côté plus familier, plus attractif au film qui est destiné à toute la famille et surtout parfait pour les tout-petits. Totoro est ainsi introduit comme le voisin, l’ami que tout le monde – tous les enfants surtout – voudrait avoir.
Ensuite le film « Souvenirs de Marnie ». En japonais, le titre est 思い出のマーニー. Cette fois-ci, le titre n’a pas été traduit par « Mes souvenirs de Marnie » ou autre, et ce pour une raison bien précise. Et pour tout vous expliquer, je dois vous dévoiler le synopsis du film donc, si vous ne l’avez pas encore vu, je vous conseille de passer au paragraphe suivant. Le film raconte l’histoire d’Anna, une jeune fille solitaire et timide, qui a perdu sa famille très jeune et vit avec ses parents adoptifs. Pour soigner son asthme, sa mère adoptive l’envoie à la campagne pour l’été. Là-bas, elle rencontrera Marnie, une jeune fille du même âge et il sera révélé plus tard qu’elle est une amie imaginaire basée sur sa grand-mère du même nom, et que tous les rêves d’Anna et ses souvenirs venaient des histoires que Marnie lui racontait lorsqu’elle était bébé. C’est tout pour le synopsis. Vous comprenez donc que, pour préserver la révélation finale, les traducteurs ont opté pour un titre suffisamment ambigu.
Ensuite, le film « Le voyage de Chihiro ». En japonais, le titre est 千と千尋の神隠し. Le titre japonais repose sur un jeu de mot – ou plutôt sur un jeu de kanji – sur le nom du personnage principal. Un peu de contexte vous aidera à mieux comprendre : Chihiro, une fillette de dix ans, se retrouve dans le monde des esprits. Après la transformation de ses parents en porcs par la sorcière Yubaba, Chihiro prend un emploi dans l’établissement de bains de la sorcière pour retrouver ses parents et regagner le monde des humains. Pour cela, Chihiro a signé de son nom un contrat de travail (comme tout le monde !), et parce qu’il y a de la magie dans le monde des esprits et pour rendre toute cette aventure plus épique, elle se fait voler son nom par la sorcière qui retire le kanji 尋. Ne reste alors que 千 qui se prononce セン et veut dire « mille ». Chihiro devient alors littéralement un nombre, une travailleuse parmi d’autres et oublie son véritable nom. Le film aborde de nombreux thèmes comme le monde du travail, le patriarcat, le capitalisme aliénant, l’oubli des traditions… Il m’est impossible de faire une analyse complète du film mais pour rester concentrer sur le titre 千と千尋の神隠し, il se traduit littéralement par « La mystérieuse disparition de Sen et Chihiro ». Sen et Chihiro ne sont qu’une seule et même personne et il y a aussi l’idée de double et de dualité chez de nombreux personnages et objets-clés du film. En clair, toutes les subtilités du titre sont intraduisibles dans les langues occidentales. Les traducteurs français ont donc opté pour un titre plus neutre.
Ce cours est à présent terminé. Bon, c’était assez long mais essentiel je pense, avant de poursuivre vers la suite.
Il ne me reste plus qu’à vous donner vos exercices. Vous aurez des phrases de thème. Je vous mets des phrases avec des pronoms en français qui vont être à sous-entendre en japonais en enlevant les compléments et dans lesquelles vous pouvez également sous-entendre le « je » ou le « tu » quand ils sont en thème pour vous habituer à cette manière de procéder en japonais. Ensuite, vous aurez de la version. Je vous mets des petites phrases dans lesquels plein de mots ont été sous-entendus. Donc il y a plein de compléments qui ne sont pas écrits, notamment 私は . わたしは, あなたは en tant que thème et c’est à vous d’essayer de les traduire en français en essayant de comprendre le contexte de la phrase. Un peu comme nous l’avons déjà fait tout à l’heure avec, par exemple 行くぞ . いくぞ. Donc ce n’est pas évident mais c’est des choses qu’il vous faudra apprendre quand vous allez être face à du japonais, que vous allez devoir le comprendre, l’interpréter puis, pourquoi pas, le traduire en français.
Cet exercice va vous habituer à des phrases plus naturelles en japonais. Je vais vous mettre des petites phrases du quotidien, des phrases très courtes où plein de compléments sont sous-entendus. Cela constituera pour vous un grand bond en avant en japonais, cela vous rapprochera d’un japonais courant, davantage que dans les phrases où nous mettions tous les compléments. Jusqu’à maintenant, nous faisions ça pour être à l’aise avec la construction stricte et théorique d’une phrase mais maintenant que nous savons comment la formation d’une phrase en japonais fonctionne, nous allons pouvoir enlever plein de compléments.
Travaillez bien !
Introduction